Plan de cohésion sociale : l'avis du Conseil économique et social

Le Conseil économique et social a rendu, mardi 31 août 2004, un avis sur le plan de cohésion sociale élaboré par le gouvernement.

Cet avis, rédigé par une commission ad hoc au cours de l'été, examine l'ensemble des dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale au Conseil des ministres du 30 juin 2004.

Sur le volet "logement", le Conseil précise :

Le Conseil économique et social a accueilli favorablement l'annonce du Plan de cohésion sociale et partage le diagnostic tel qu'il est posé. Le texte qui nous est soumis présente un intérêt majeur dans la mesure où l'ensemble des segments du secteur social du logement, depuis l'hébergement jusqu'au parc privé est concerné et où une programmation des crédits sur cinq ans s'ajoute au plan de rénovation urbaine.

Cependant, si l'on peut approuver la programmation physique de logements, des craintes subsistent quant au financement, qui requiert de multiples partenaires et manque de lisibilité, mais aussi quant aux moyens à mettre en œuvre pour convaincre les collectivités locales de parvenir aux objectifs fixés par l'article 55 de la loi relative à la Solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Par ailleurs, cet avant-projet de loi s'inscrit dans un contexte complexe dans lequel viennent s'imbriquer des lois, des décisions et des projets aux incidences multiples, témoignant à l'évidence de la nécessité de mettre en place des politiques plus transversales : le logement ne peut pas relever d'une seule politique sectorielle.

Dans ce contexte manquant singulièrement de visibilité, notre assemblée tient à préciser son positionnement sur la politique du logement. L'idée d'une articulation entre service public de l'habitat et droit au logement opposable s'impose même si elle peut inquiéter ceux qui craignent que le droit de propriété soit malmené par la mise en mouvement d'une telle dynamique. L'interrogation est légitime mais la crainte infondée. L'histoire du droit de propriété est multiséculaire. Elle est riche de débats philosophiques majeurs, de controverses économiques et politiques ; elle est aussi hérissée de conflits. Celle du droit au logement est née en 1982 avec la loi Quilliot, a été réaffirmée en 1989 avec la loi Mermaz-Malandain, confirmée en 1990 avec la loi Besson, puis précisée par le Conseil constitutionnel en 1995 et confortée par la loi de solidarité et de renouvellement urbain (20% de logements sociaux) en 2000. 

Le droit au logement opposable, revendication associative aujourd'hui, conduit le Conseil économique et social à rappelé la définition qu'il a proposée lors des rapports et avis sur « L'accès de tous aux droits de tous, par la mobilisation de tous » et sur « L'accès au logement : droits et réalités » : « pourraient s'adresser au service public de l'habitat les personnes pouvant prouver qu'elles ne disposent pas de logement répondant à leurs besoins alors qu'elles en ont fait la demande depuis un délai anormalement long, qu'elles ne sont pas en capacité financière de se loger de façon décente sans l'aide de la collectivité et qu'elles résident ou travaillent sur le territoire depuis un certain temps. Des conditions de revenus, d'âge, physiques (personnes handicapées ...), de composition familiale ou autres, déterminent des priorités qui pourront être précisées. L'opposabilité ne pourra s'exercer efficacement que si l'autorité responsable dispose des moyens financiers, politiques et matériels d'agir ». 

Preuve étant faite à ce jour que ce ne sera ni par l'inscription au sommet de la hiérarchie des normes juridiques d'un droit proclamé, ni par une opposition frontale et de principe avec le droit de propriété qu'il pourra durablement s'enraciner dans notre société. C'est la raison pour laquelle, le Conseil économique et social réaffirme avec opiniâtreté que ce droit opposable s'incarnera dans les faits par l'édification d'une architecture partenariale associant les pouvoirs publics dans leurs différentes composantes, les acteurs du logement et les associations dans leurs diversités. C'est, en effet, sur une base juridique sûre, par l'articulation des dispositifs de recours et de soutien financier et social à l'échelon territorial le plus pertinent et par la mise en synergie des différentes politiques relevant de la cohésion sociale qu'il prendra de l'effectivité. Le caractère concret et pragmatique de cette construction exprime l'impérieuse nécessité de ce projet. L'accès de tous à un logement décent est à ce prix. Il n'est pas exorbitant. Sa mise en œuvre devrait se réaliser dans le cadre d'un véritable service public de l'habitat réunissant et coordonnant un certain nombre d'éléments et de services concourant à l'insertion des populations dans leur environnement et dans leur cadre de vie car c'est de la qualité de l'habitat que dépend très largement la cohésion sociale.